Constat de grève
La grève est le refus collectif de salariés d’exécuter leur travail en vue de faire aboutir des revendications professionnelles.
Le droit de grève est un droit fondamental reconnu à tous les employés. L’exercice du droit de grève est réglementé par la loi et interdit certains actes tels que l’enlèvement ou l’agression de personnes physiques, l’endommagement de locaux ou d’équipements.
L’huissier de justice / commissaire de justice peut intervenir lors d’une grève pour constater les excès des grévistes ou toute dégradation ayant eu lieu lors de la grève. Le procès-verbal de constat d’huissier peut constituer une preuve vous permettant d’obtenir réparation des dommages subis. Il peut également permettre des négociations avec les syndicats lors des discussions sur le paiement des jours de grève. Il peut également servir les intérêts des travailleurs ou des syndicats.
Le constat de grève d’huissier de justice / commissaire de justice, dont les constatations font foi jusqu’à preuve contraire, permet d’obtenir une vision objective et immédiate par un officier public. Il permet ainsi à chacune des parties (employeurs et/ou employés) de sauvegarder leurs droits et intérêts en cas de contestations devant un magistrat.
Côté employés, si les éléments factuels permettent au magistrat de qualifier le mouvement de «grève», ceux-ci seront protégés comme tel. Dans le cas contraire, ils se trouveront en infraction, permettant à leur employeur d’utiliser son pouvoir disciplinaire.
Côté employeurs, le rôle d’huissier de justice / commissaire de justice n’est pas d’empêcher le mouvement social, le droit de grève étant un droit reconnu à tout salarié dans l’entreprise. L’objectif est de constater que les limites ne sont pas franchies.
Pourquoi faire intervenir un commissaire ?
« La grève se définit comme une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles » (Cass.soc., 16-5-89, n°85-43.359 ; Cass.soc., 2-2-06, n°04-12.336).
Les domaines d’interventions d’huissier de justice / commissaire de justice en cas de grève sont multiples :
Quelles sont les conséquences ?
Le piquet de grève entraîne–t-il une faute des salariés revendicatifs ?
Le droit de grève en France est un droit à valeur constitutionnelle* depuis la décision Liberté d’association rendue le 16 juillet 1971 par le Conseil constitutionnel (reconnaissance de la valeur constitutionnelle du Préambule de la Constitution de 1958). Ce droit, dans le secteur privé, n’est, en principe, autorisé qu’aux salariés.
*alinéa 7 du Préambule de la Constitution de la IVème République
Le législateur ne donne pas de définition de la grève. C’est donc la jurisprudence qui l’a décrite comme : « La cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles déjà déterminées auxquelles l’employeur refuse de donner satisfaction[1] ».
Toutefois, même si la grève est un droit accordé aux salariés, l’employeur peut faire appel à la justice en cas d’abus de leur part.
La constatation d’huissier n’entraîne pas le caractère illicite du piquet de grève. Mais si les salariés disposent du droit de grève, ils ne peuvent pas en abuser. Un abus du droit de grève se caractérise par une désorganisation de l’entreprise, entravant sa bonne marche[2]. Par conséquent, au cours de la grève, les droits des salariés non-grévistes doivent être respectés.
C’est pourquoi les piquets de grève empêchant l’entrée dans l’entreprise, tout comme les occupations de locaux, sont en principe considérés comme interdits.
Néanmoins, un piquet de grève, s’il n’empêche pas totalement les salariés non-grévistes d’accéder à l’entreprise pour travailler, n’est pas considéré comme illicite[3]. De plus, c’est à l’employeur d’apporter la preuve que ledit piquet de grève bloque les accès au site, rendant ainsi impossible l’accès au lieu de travail. Le blocage de l’entrée principale par les grévistes ne suffit pas pour caractériser le piquet de grève comme illicite. La jurisprudence est d’ailleurs constante sur ce point.
L’employeur peut faire appel à un huissier de justice / commissaire de justice, ce dernier étant impartial. Le constat qu’il devra établir sera objectif, cela permet de protéger à la fois l’employeur et les salariés en cas de litige. Dans le cas où l’huissier de justice / commissaire de justice ne constate aucun abus de la part des salariés grévistes, l’employeur ne pourra pas se prémunir de cette constatation pour les sanctionner. Le seul motif de sanction disciplinaire ou de rupture de contrat possible pour un salarié gréviste est la faute lourde[4].
Par conséquent, la constatation par un huissier de justice / commissaire de justice d’un piquet de grève ne permet pas automatiquement à l’employeur de sanctionner les salariés participants s’ils ne cessent pas leur mouvement. En effet, leurs actions doivent être constitutives d’une faute lourde.
L’élément déterminant est l’atteinte à la liberté du travail. Si le piquet de grève ne porte pas atteinte à cette liberté pour les salariés non-grévistes, alors les salariés grévistes pourront continuer leur action dans la licéité, même en cas de constatation du piquet de grève par un huissier de justice / commissaire de justice.
Les critères de l’abus du droit de grève sont : la désorganisation de l’entreprise[5] et l’atteinte à la liberté du travail[6] constituant une faute lourde pour les salariés grévistes.
Comment le commissaire constate-t-il ?
Lors de la constatation (voir prix constat), le commissaire a l’obligation de décliner son identité et sa qualité mais il n’a pas d’obligation d’information préalable envers les salariés.
De plus, le commissaire doit constater personnellement le comportement fautif du salarié et doit procéder personnellement à la vérification de l’identité des salariés qui font l’objet des constatations. Comment peut-il faire si les salariés du piquet de grève refusent de décliner leur identité ? La Cour de cassation admet que le commissaire s’assure indirectement des identités si les procédés utilisés sont fiables ; ces derniers sont spécifiques et décrits dans les jurisprudences[7].
Les effets du constat de grève ?
La constatation de commissaire d’un piquet de grève illicite constitue seule une preuve pour le juge.
Le constat de commissaire n’est pas une preuve irréfutable mais il est très difficile de le remettre en cause lorsqu’il est licite (car les constatations d’huissier de justice / commissaire de justice font foi jusqu’à preuve contraire).
Il s’agit donc une véritable preuve pour le juge. En effet, le juge prend en compte les constatations. Ainsi, constitue un trouble manifestement illicite le licenciement d’un salarié gréviste, pour entrave à la liberté du travail, alors que les constats de commissaires produits par l’employeur ne faisaient état d’aucun fait précis imputable au salarié concernant des faits d’entrave à la liberté du travail [8] .
D’autre part, le constat permet d’obtenir une ordonnance d’expulsion. Or constituent une faute lourde, les salariés qui refusent de l’exécuter même si le constat d’huissier est remis en cause. Il s’agit d’une jurisprudence constante[9], bien que le juge ait tendance à se montrer clément à l’égard des débordements des grévistes, il ne transige pas lorsqu’il s’agit de respecter une décision de justice[10].
- 1] Cassation sociale, 17 janvier 1968, publié au bulletin, publication N 35
- [2] Cassation sociale, 4 novembre 1992 n°90-41899
- [3] Cassation sociale, 7 juin 1995 n°93-42789
- [4] Cassation sociale, 16 décembre 1992 n°91-41215
- [5] Cassation sociale, 4 novembre 1992 n° 90-41899
- [6] Cassation sociale, 10 février 2009, n°07-43939
- [7] Cassation sociale, 26 juillet 1984 n° 82-14355 /Cour d’appel de Paris, 1ère chambre, 23 mai 1995 D.96, som.com 75, obs. Hassler/ Cassation sociale, 14 mai 2008 n° 06-46095
- [8] Cassation sociale, 13 juillet 1999 n° 97-43028
- [9] Cassation sociale, 28 octobre 1997 n° 95-43820/Cassation sociale 31 mars 1998 n° 95-45061
- [10] Cassation sociale, 3 mai 2016 n° 14-28353